Voeu
Voeu
Je n'ai rien voulu des hommes
Oublieux et mensongers;
Sous les raisins et les pommes
Je dors au fond des vergers.
Satyres, gais petits faunes,
O vous qui veniez des bois
Dérober mes pêches jaunes,
Juteuses entre vos doigts,
C'est à votre folle bande
Que je lègue mon tombeau;
Vous y porterez l'offrande
Des grappes et du miel chaud;
Le citron par qui s'éclaire
L'arbre sombre où luit son or,
La grenade funéraire,
Seul fruit que je goûte encor.
Incarnates et coniques,
Les figues que l'été fend
Et les fraises impudiques
Qui pointent en rougissant,
Auprès des corbeilles blondes
Et des vases pleins de lait.
Dans le creux des coupes rondes
A quoi mon sein ressemblait.
Enfants du profond feuillage,
Près de vous que n'ai-je pu
Vivre la beauté de l'âge
D'un corps libre, heureux et nu!
De ma joueuse jeunesse
Songez aux chers jours passés...
J'étais peut-être faunesse
Par les longs yeux retroussés.
Les Poésis, 1931.