Souhait
Souhait
Avoir une maison tranquille et solitaire
Qui serait loin de tous, dans un jardin en fleur.
Et là, pouvoir t'attendre, ô si chère à mon coeur,
T'attendre en respirant les parfums de la terre.
O sombre amie, ô mort, toi qui m'as fait si peur!
Sur le sol carrelé des dalles surannées
L'arrosoir blancé ferait un frais dessin;
La pêche à l'espalier mûrirait comme un sein;
Et moi je sentirais s'alourdir les années,
Comme à la branche pend la grappe d'un essaim
Ma fenêtre ouvrirait sur la pelouse herbeuse
Pour écouter le bruit des faulx dans la chaleur;
Ainsi je pourrai mieux, toi si chère à mon coeur,
Tout en rangeant des fruits dans la faïence creuse,
Entendre que viens remplacer le faucheur.
Or, ayant préparé sur la table abondante
Auprès des flacons clairs le lumineux raisin
Et les rayons de miel, et le lait et le pain,
Je t'attendrai dans la demeure où, prévoyante,
J'aurai tout disposé pourla soif et la faim.
Et je pourrai te dire: " Entre, ô toi, bienvenue,
Qui viens avec le soir et la sombre fraîcheur;
O si chère, ô si douce, et qui m'as fait si peur!
Tu le vois, tout est prêt et je suis pâle et nue,
Tu pourras me faucher comme une grande fleur.
Je suis lasse. Prends-moi pour les noires paresses
De l'ombre étroite et longue et du repos sans fin.
Mais, ô toi que jamais nul n'attendit en vain,
Il faut que de longs jours, dans ma maison tu laisses
Mon enfant radieux, près des fruits et du vin."
Les Poésies, 1931.