Gérard d\'Houville

Gérard d\'Houville

Le jardin de la nuit

Le jardin de la nuit

 

Si l'aile inévitable et sombre doit s'étendre

Sur tes grands yeux si doux et sur ton jeune front,

Si l'horreur de la mort hante ton âme tendre,

Viens: les fleurs ont des voix qui te consoleront.

Soeur des belles-de-nuit, tu sauras les entendre.

 

Belles de ta beauté, pâles de tes pâleurs,

Les roses des rosiers éclos au clair de lune

Dont la blanche corolle est faite de lueurs,

Mystérieusement, effeuillent une à une

Au nocturne jardin leurs lumineuses fleurs.

 

Et les fleurs de jasmin, de lis et d'ancolie

Et celles que la nuit seule voit s'entr'ouvrir,

Ont l'ineffable attrait de ta bouche pâlie,

Le charme douloureux de ce qui doit mourir

Ainsi que ta jeunesse et ta mélancolie.

 

Ton coeur triste est rempli par l'horreur du trépas,

Son vol irrésistible en frémissant t'effleure,

Son souffle effacera la trace de tes pas,

Ta vie est le prestige et le parfum d'une heure,

Et les fleurs qui t'aimaient ne te survivront pas.

 

Mais, de l'instant suprême épuisant les délices,

Eloigne l'inutile et ténébreux effroi,

Penche ton pâle front vers les pâles calices

Et respire, dans l'ombre exhalé jusqu'à toi,

L'amour fraternel des fleurs consolatrices.

 

Les Poésies, 1931.



16/11/2012
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