A mon fils
A mon fils
Ma maison a pour Dieu lare,
Qui la garde et la défend,
Un petit satyre enfant
Dont j'aime le masque hilare.
Ses jambes couleur de miel,
Ses pieds, son ventre, son torse,
Et ses bras ronds, pleins de force,
Sont dignes d'un immortel.
Ses cheveux sont un pelage
Noir et soyeux d'animal;
Il ne fait jamais le mal,
Qu'il soit rêveur, vif ou sage.
L'air le dore et le recuit,
Bronze clair ou marbre jaune.
Sa grâce de jeune faune
A le charme frais d'un fruit.
Il gambade, il court, il joue,
Agile, propmpt et léger;
Et les pommes d'un verger
Sont moins rondes que ses joues.
Turbulent, naïf, joyeux,
Tour à tour tendre ou farouche,
On voit rire avant sa bouche,
La malice de ses yeux.
Qui limpides et pleins d'ombre,
Sont rayonnants de clarté,
Pareils à ces jours d'été
Que reflète un grand lac sombre.
Il aime le ciel et l'eau,
La lumière sur les roses.
Il trouve étranges les choses,
Pour lui, tout est vaste et beau;
Tout s'anime avec mystère,
Tout est vibrant: herbe, fleur...
Il ne sait pas que l'on meurt,
Et se couche sur la terre.
Le monde entier est à lui;
Il s'empare de la vie:
Un jour pâtre d'Arcadie
Et peut-être roi la nuit.
Le matin, chat qui paresse
Dans la tiédeur du foyer,
Et toujours, dieu familier,
Et le fils de ma jeunesse.
Les Poésies, 1931