Les enfants tristes
Les enfants tristes
La première
Obscur est le chemin, arides sont les landes
Et sombres les forêts; Soeurs, ne sentez-vous pas
En vos doigts alanguis s'alourdir les guirlandes
Qui tombent sur la route où s'éloignent nos pas?
La deuxième
A l'aube de jadis nous vous avons cueillie,
Gerbe de fleurs d'amour, gerbe de fleurs d'espoir
Qu'un frêle doigt d'enfant d'un fil fragile lie
Et qu'un vent automnal disperse en l'air du soir.
La troisième
O jeunes fronts pâlis par d'anciennes années,
Portez-vous le fardeau de printemps ignorés?
Etes-vous lourds d'un poids de floraisons fanées
Pour vous pencher ainsi, las et désespérés?
La première
Le lis intérieur qui parfumait ma vie
Effeuille la candeur d'un calice argenté;
Sa corolle ineffable en moi s'est défleurie
Et la fleur sombre s'ouvre en mon coeur attristé.
La deuxième
Combien d'avrils sont morts dans nos âmes moroses
Et d'oiseaux envolés que nous avons aimés!
Du funèbre parfum des expirantes roses
Nos coeurs sont pour toujours tristement embaumés.
Le sentier parcouru dans l'ombre se recule;
De nos bouquets flétris nos bras sont allégés.
Arrêtons-nous, mes Soeurs. Voici le crépuscule
A jamais indulgent pour les coeurs affligés.
Puisque lointaine encore est la vieille demeure,
Reposons-nous. Les fleurs du soir vont s'entr'ouvrir
Et, parmi la tendresse et le calme de l'heure,
Oublions un moment que nous devons mourir.
Les Poésies, 1931.