Gérard d\'Houville

Gérard d\'Houville

Le potier

Le potier

 

Aujourd'hui, je suis triste. Ecoute, ô cher potier,

je t'apporte le don de mon corps tout entier,

Si tu veux avec art, dans ta durable argile,

Peut-être, éterniser une forme fragile.

Dans une terre rose et semblable à ma chair,

Modèle le contour de mon bien le plus cher:

Mes petits seins égaux aux deux pointes aiguës?

Qu'il reste au moins cela des grâces ingénues

Que j'offre à ton désir, si de chaque côté

De l'amphore funèbre où toute ma beauté

Doit dormir, poudre éparse et cendre inerte et grise,

Au lieu de l'anse, creuse à la main qui l'a prise,

Tu renfles la rondeur de ce double contour

Presque enfantin et prêt pour l'amour.

...Et celui qui, pensif, sous le sol séculaire,

Trouvera quelque jour mon urne funéraire,

Saura que je fus femme, et femme tendrement,

Amoureuse et malicieuse par moment,

Et se demandera devant la terre sombre

Pourquoi tant de clarté dut naître pour tant d'ombre.

 

Les Poésies, 1931.



16/10/2012
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