Gérard d\'Houville

Gérard d\'Houville

La rencontre de Perséphone

La rencontre de Perséphone

 

C'est un soir de printemps, au bord de la fontaine,

Que je t'ai rencontrée, assise et mélangeant

Les iris ténébreux aux narcisses d'argent;

Et ta robe était sombre et ta beauté lointaine,

Et tu liais tes fleurs d'un lien diligent.

 

Je t'ai dit: "D'où viens-tu? Tes lèvres et tes joues

Sont pâles; tes iris sont couleur de tes yeux;

Dis-moi le nom du fleuve où dans le fond vaseux

Plongeaient les tiges des nénuphars dont tu noues

Le nocturne bouquet de ces grands pavots bleus.

 

Ils ont fleuri sans doute au sein de la nuit même,

Ils sont beaux, je voudrais les cueillir chaque soir.

Ah prends garde! dans l'eau tu vas les laisser choir.

Donne-les moi plutôt, dis? Le veux-tu? Je t'aime

D'avoir aimé ces fleurs, passante au manteau noir."

 

Et tu m'as répondu: "Prends mes fleurs, prends-les toutes,

Douce enfant; assieds-toi près de moi; l'air est pur.

Le printemps tout entier dort dans mon coeur obscur

Et c'est moi qui l'entraîne aux taciturnes routes.

Sens. l'herbe embaume et le croissant verdit l'azur."

 

Puis entr'ouvrant pour moi ta grenade pourprée

Tes lèvres ont pressé mes lèvres longuement.

J'ai goûté la douceur furtive du moment

Qui passe... mais ces grains qui m'ont désaltérée

Causeront désormais ma soif et mon tourment.

 

Le désir et l'effroi d'une chose inconnue

Me charme et m'épouvante; et maintenant je sais

Ton nom terrible et tendre, hélas! et je me plais

Au regret languissant du jour où je t'ai vue,

Puisque depuis ce jour je suis triste à jamais.

 

Les Poésies de Gérard d'Houville, 1931



29/03/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour