Cendre
Cendre
Tu t'arrêtes devant la tombe parfumée
Où tout ce qui fut moi gît sous une herbe en fleur,
Et, lisant ces seuls mots, ô jeune voyageur:
"Nulle femme ne fut plus longuement aimée,"
L'âpre et vivant désir gonfle et remplit ton coeur
Du rêve de ma chair, hélas! inanimée.
Mon cher miroir, qui meurt de n'avoir reflété
Que l'ombre où j'ai voulu près de moi le suspendre,
Mon miroir revivrait, si tu pouvait le tendre
Au jour pur, et rirait de toute sa clarté;
Mais tu n'y verrais pas ma grâce triste et tendre;
Jamais tu ne sauras ce que fut ma beauté.
La cendre de mon corps que consume la terre
En d'ardentes saisons me refleurit au jour;
Cueille une de ces fleurs au prix de ton détour,
Et passe..., car berçant mon sommeil solitaire,
J'entends, dans le refrain que murmure l'Amour,
Le regret éternel de ma forme éphémère.
Les Poésies, 1931.