Blanche-Couronne
Blanche-Couronne
Vénérables gardiens du toit hospitalier,
Voici du haut portail les cèdres séculaires
Couvrant l'antique seuil d'un abri familier;
Du fond de l'avenue on les voit éployer
Leur frondaison plus sombre aux cieux crépusculaires.
Voici la porte, la glycine et, brusquement,
Le mystère odorant et paisible du cloître,
Le préau tout en fleur et l'enguirlandement
Embaumé des piliers, dont on voit lentement,
Selon l'heure du jour, l'ombre croître ou décroître;
Le verger rayonnant et rose, le jardin,
Le vieux puits et les toits des basses métairies
D'où le vol des pigeons se disperse soudain,
Le perron dont les fleurs couvrent chaque gradin
Et les doux clairs de lune argentant les prairies.
O fleurs d'hortensias, de lis et de jasmins,
Clématites, glaïeules, roses, rose trémières!
Guirlande merveilleuse effeuillée en mes mains,
Parfumez à jamais les tristes lendemains
Epanouissement des floraisons premières!
O bosquet! O charmille! O grand bois enchanté!
Pour avoir respiré l'harmonieux arome
Des pins éoliens où vibre un vent d'été,
Au fond du coeur joyeux ou du coeur attristé
Chante éternellement votre voix qui l'embaume.
Vous pouvez vous flétrir, fleurs de l'aube et du soir,
Et l'ombre des jours morts peut errer sous les ombres
Des bois abandonnés et muets; on peut voir
Le grand vol destructeur irrésistible et noir
Planer sinistrement sur les mornes décombres;
J'ai bâti dans mon âme un cloître hospitalier,
Et pour qu'aux jours futurs l'heureux passé sourie,
De ses divines mains mon rêve familier
Suspend pieusement à son premier pilier
Une blanche couronne à tout jamais fleurie.
Les Poésies, 1931