Gérard d\'Houville

Gérard d\'Houville

Blanche-Couronne

Blanche-Couronne

 

 

Vénérables gardiens du toit hospitalier,

Voici du haut portail les cèdres séculaires

Couvrant l'antique seuil d'un abri familier;

Du fond de l'avenue on les voit éployer

Leur frondaison plus sombre aux cieux crépusculaires.

 

Voici la porte, la glycine et, brusquement,

Le mystère odorant et paisible du cloître,

Le préau tout en fleur et l'enguirlandement

Embaumé des piliers, dont on voit lentement,

Selon l'heure du jour, l'ombre croître ou décroître;

 

Le verger rayonnant et rose, le jardin,

Le vieux puits et les toits des basses métairies

D'où le vol des pigeons se disperse soudain,

Le perron dont les fleurs couvrent chaque gradin

Et les doux clairs de lune argentant les prairies.

 

O fleurs d'hortensias, de lis et de jasmins,

Clématites, glaïeules, roses, rose trémières!

Guirlande merveilleuse effeuillée en mes mains,

Parfumez à jamais les tristes lendemains

Epanouissement des floraisons premières!

 

O bosquet! O charmille! O grand bois enchanté!

Pour avoir respiré l'harmonieux arome

Des pins éoliens où vibre un vent d'été,

Au fond du coeur joyeux ou du coeur attristé

Chante éternellement votre voix qui l'embaume.

 

Vous pouvez vous flétrir, fleurs de l'aube et du soir,

Et l'ombre des jours morts peut errer sous les ombres

Des bois abandonnés et muets; on peut voir

Le grand vol destructeur irrésistible et noir

Planer sinistrement sur les mornes décombres;

 

J'ai bâti dans mon âme un cloître hospitalier,

Et pour qu'aux jours futurs l'heureux passé sourie,

De ses divines mains mon rêve familier

Suspend pieusement à son premier pilier

Une blanche couronne à tout jamais fleurie.

 

Les Poésies, 1931



20/11/2012
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