Prélude
Prélude
Papillon violet que veloute un or pâle,
Pensée en coeur, ô fleur si chère aux coeurs pensifs,
J'aime ton aile double et ton triple pétale,
Pervenche des cyprès, violette des ifs.
J'ai préféré ton ombre à la clarté des roses,
O deuil délicieux aux regards attentifs
Toi qui sais réveiller les vieux rêves moroses,
Corolle en coeur, ô fleur si chère aux coeurs pensifs!
Ton visage de fleur obscurément ovale
D'un funèbre plaisir charme un esprit pervers,
Car, entre l'aile double et le triple pétale,
Le masque de la mort assombrit tes ors verts.
Ta chair a la couleur des belles améthystes
Et de sombres parfums, affaiblis et lascifs,
Voluptueux velours si doux à des doigts tristes
Pervenche des cyprès, violette des ifs.
Amour! ô tendre Amour! d'une langueur égale
A celle du passé, n'enivrez pas le jour.
Papillon violet que veloute un or pâle,
N'ouvrez plus votre vol, Amour! ô triste Amour!
Fermez votre aile double, et d'un triple pétale
Violet, parfumant mes cyprès et mes ifs,
Papillon de la nuit éternelle, et d'or pâle,
Palpitez au tombeau fleuri des coeurs pensifs.
Les Poésies, 1931