Stances
Stances
Qu'êtes-vous devenue, enfant songeuse et triste
Aux sombres yeux?
Vous dont plus rien en moi maintenant ne persiste,
Rêves ou jeux?
Qu'êtes-vous devenue, enfant paisible et tendre
Au coeur pensif?
Dans quel étroit tombeau repose votre cendre,
Corps grêle et vif?
Vous êtes morte, au fond de moi, vous êtes morte,
Petite enfant!
C'est moi qui vous abrite, et moi qui vous emporte,
Tout en vivant.
Ah! vous aviez si peur de cette ombre lointaine
Qui fait la mort,
Et lécartiez déjà d'une main incertaine,
Tremblant très fort.
Vous étiez douce et caressante et souvent sage;
Je vous revois,
Mais les yeux clos, car je n'ai plus votre visage,
Ni votre voix.
Ainsi je vais mourir tout le long de ma vie,
Jusqu'à ce jour
Où, de l'espoir qu'on rêve au regret qu'on oublie,
Tristesse, amour,
Je ne serai plus rien dans la nuit sûre et noire
Qu'un poids léger,
Et pourrai sans reflet, sans ombre, et sans mémoire,
Ne plus changer.
Les Poésies, 1931.