Le verger de l'aurore
Le verger de l'aurore
L'espoir qui plane encore au fond du ciel vernal,
De son vol immortel frôle les fronts moroses
Et fait tinter l'or clair du rire matinal
Dans l'éblouissement des rayons et des roses;
Des arbres printaniers ne vois-tu pas neiger
En l'herbe haute les pétales blancs et roses?
Sens-tu dans tes cheveux frémir le vent léger
Imprégné de l'ivresse unanime des choses,
Et l'heure resplendir dans l'auroral verger?
Le hautbois chante au loin un chant irrésistible
Et tendre, qu'il alterne ou confond tour à tour
Avec les sons vibrant sous l'archet invisible,
Voluptueux et long, des violes d'amour;
Dans l'air harmonieux passent en vols de rêve
Les ramiers roucoulants dont voici le retour.
Savoure la douceur de l'instant qui s'achève,
L'allégresse infinie et l'extase du jour;
L'heure délicieuse est l'heure qu'on sait brève.
Les lumineux parfums, les odorants rayons
Montent vers le ciel rose où vibre leur lumière
Dans un palpitement d'ailes de papillons.
Sois la divine soeur de la rose trémière!
Fais rire aux gais échos les rires puérils,
Et loin de la tristesse à tour tour coutumière
Laisse, oublieuse enfin de ses futurs puérils,
S'ouvrir comme une fleur ton âme printanière,
Et refleurir en toi tous les anciens avrils.
Les Poésies, 1931.