Attrait de l'eau
Attrait de l'eau
Que ce frêle feuillage et ce souple lierre,
Et ces fleurs fraîches en guirlande printannière
S'entrelacent parmi nos cheveux lourds et lents;
Que sur nos jeunes fronts tremblent les iris blancs
Et les jonquilles d'or et les mauves pervenches!
Viens. Je tiendrai ta robe afin que tu te penches,
Rieuse, sur cette eau dont hausse le miroir
La Nymphe aux yeux rieurs et clairs que tu vas voir;
Et lorsque je me penche à mon tour il me semble
Qu'elle a notre regard et qu'elle nous ressemble.
Quand elle rit, l'écho reste silencieux,
Mais prenons garde. Ne vois-tu pas dans ses yeux
Qu'elle voudrait les fleurs que son désir dénoue
Déjà, et qui du front nous glissent sur la joue?...
... Hélas! il est trop tard, je ne puis ressaisir
Les fleurs qu'entremêlaient notre double loisir
Et dont nous nous parions de nos mains fraternelles,
Joyeuses de nous voir si pareillement belles.
Le soir vient. Nos pieds nus glissent dans les roseaux
Et la Nymphe perfide a fui les froides eaux.
Reprenons toutes deux les longs sentiers des landes;
Il ne faut plus songer à nos pâles guirlandes.
Seul le lierre noir, qui nous paraît plus noir,
Enlace en ses liens nos tailles, et le soir,
Assombrissant mon âme attriste aussi la tienne,
Et ton bras me soutient pour que je te soutienne,
Car cette route est longue et le repos lointain.
Est-ce que notre joie heureuse du matin
Avec les fraîches fleurs que nous pleuroons dans l'ombre
Serait restée au fond de la fontaine sombre?
Les Poésies, 1931