Gérard d\'Houville

Gérard d\'Houville

La robe bleue

La robe bleue

 

Vous en souvenez-vous, Mère au si beau visage,

Ma Mère aux bras si blancs, vous en souvenez-vous?

Lorsque j'avais été trop longtemps triste et sage

Vous me preniez, le soir, sur vos genoux.

 

Quelquefois vous portiez une robe très bleue

En satin d'Orient que brodaient des vols d'or;

Tout un golfe d'Asie ondoyait dans sa queue

Et mes rêves d'enfant y sont bercés encor.

 

Vous fumiez... et l'odeur de la pâle fumée

Venait se mélanger à vos divers parfums;

Et je vous respirais, ô mère embaumée,

Avec le front caché dans mes lourds cheveux bruns.


Comme vous sentiez bon, ô ma mère nonchalante!

Vous étiez, ténébreuse et pleinede clarté,

Semblable à quelque vague à la fois sombre et lente

Qui mire obscurément les astres de l'été.


Vous étiez le voyage et toutes ses merveilles,

Et votre robe bleue et son or et ses plis

Tropicaux, vous baignait et vous rendait pareille

A quelque grand navire aux féminins roulis.

 

Vous étiez le départ à l'espoir nostalgique

Et le port qui palpite en ses tranquilles eaux;

Vos seins arrondissaient leurs caps aromatiques

Où vos manches volaient comme de lents oiseaux.


C'est ainsi que j'ai vu des îles bienheureuses,

L'étrange enchantement de nocturens pays...

Mères aux douces mains, mères voluptueuses

Ouvrez à votre enfant les premiers paradis.

 

Pour que plus tard, déçu par les bonheurs du monde,

Il sache que jadis à votre coeur lié,

Il avait, dès vos flancs et vos forces profondes,

Atteint le noir rivage où tout est oublié.



03/10/2012
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